Suite à la sollicitation d’une enseignante, je suis intervenu cette semaine en visio auprès d’un groupe d’élèves de 3e pour échanger avec eux·elles et répondre à leurs questions sur ce sujet de notre (nos) identité(s) en ligne. Il m’a semblé important d’introduire le sujet par une approche historique et anthropologique.

La notion d’Identité renvoie à la question : « Qui suis-je ? »

On y répond souvent en précisant ses origines : familiale, géographique, culturelles, ethniques … ce qui revient à raconter « d’où je viens »). Notre passé nous détermine alors plus que notre futur. Une approche moins déterministe insisterait plutôt sur « Qui je veux être ? » en se présentant à travers « ce que j’ai envie de faire ».

La notion de Marque à la question : « A qui j’appartiens ? »

Les marques de vêtements, de produits alimentaires, de biens consommables destinés au grand public ont besoin d’être « identifiables » rapidement et sans ambiguïté. Elles utilisent pour cela un logo et/ou une typographie facilement reconnaissables.

Se faisant, elles s’inscrivent dans une histoire très ancienne : la « marque » est d’abord un signe distinctif apposée à l’aide d’un fer rougi au feu sur la peau du bétail, afin d’en reconnaître le propriétaire. Le procédé a été étendu à certains humains (esclaves, prostituées, bagnards) destinés à être achetés ou vendus et donc traités comme du bétail. Ils·elles perdaient souvent au passage leur identité, remplacée par un numéro ou un nouveau nom choisi par le propriétaire.

Le tatouage est un rite de passage

Attention à ne pas confondre la pratique du marquage qui est subi et réalisé de façon violente et sous la contrainte, avec le tatouage qui est le plus souvent choisi et s’inscrit dans un rite initiatique qui permet d’accéder à l’âge adulte et d’être reconnu·e comme un membre à part entière de la communauté. Indélébile, le tatouage a ceci de commun avec nos identités numériques, qui laissent des traces sur les réseaux et sur le net qu’il ne nous est pas facile d’effacer.

Les humains ont une Identité, les marchandises une Marque

A la lumière de cet éclairage historique, on comprend bien que pour un humain, envisager sa présence en ligne comme une marque revient à accepter de perdre son identité et à se transformer de facto en une marchandise.

Les réseaux sociaux, nés d’un besoin d’échanges et de communication interpersonnelles, sont devenus des espaces d’exposition de soi : une gigantesque place de marché des egos hypertrophiés. Dans un business dont le modèle économique est basée sur la captation de l’attention, les jeunes influenceur·euses, affamé·es de like et de followers, jouent les rabatteurs pour les grands leaders (faudrait-il dire dealers ?) de l’industrie numérique qui n’en demandaient pas tant.

Se vendre … ou se construire ?

Certains m’objecteront : « aujourd’hui pour trouver du boulot, il faut savoir se vendre ».
Exerçant mon activité depuis 20 ans dans un cadre entrepreneurial (sous différents statuts : portage salarial, coopérative d’activités, auto-entrepreneur, artiste intermittent) je connais bien le sujet. L’expérience m’a appris que pour bien vendre ses compétences il faut d’abord être soi-même.
La pratique des appels d’offres et autres « mise en concurrence » m’a convaincu qu’il valait mieux ne pas être retenu pour ce que l’on est, que choisi pour ce que l’on n’est pas.

Avant de chercher à « se vendre », il faut d’abord commencer par « se construire ».
C’est le message qu’il me semble important à faire passer auprès d’adolescent·es de 15 ans.

Sur les réseaux sociaux, mon identité est-elle une marque ?

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